pv. Clementine & Andromaque

« Welcome on 33rd, Maple Street »

Le soleil se levait sur Slactown, découvrant ainsi la fraîcheur de l’air, la beauté du paysage pourtant si funeste. Encore dans son lit, Clementine ne dormait plus depuis une heure ou deux, son esprit vagabondant toujours vers les pire souvenirs, l’empêchant ainsi de trouver le sommeil. Des cernes marquées étaient sous ses beaux yeux noisettes, ses cheveux châtains clairs lui tombant sur le visage. L’astre solaire tapait dans son dos, provoquant une chaleur désagréable. Du moins, dont la demoiselle n’avait pas l’habitude. Cette nuit, elle avait encore fait ce cauchemar. Cet incessant cauchemar qui la bousillait de plus en plus, qui lui refaisait vivre les pires instants de sa vie, pourtant à peine commencée. Son enlèvement, passé dans des circonstances horribles, son viol, l’homme qui lui avait fait ça.. Un frisson lui parcourut l’échine. Elle se souvint alors du moment où elle avait ouvert les yeux, à moitié nue à la lisière de la forêt, ses vêtements déchirés, ses poignets rouge, encore marqués aujourd’hui, et sa dignité de perdue. Comme à chaque fois, la jeune Monaghan éclata en sanglot, plongeant sa tête dans son oreiller pour cacher le bruit de ses larmes, de son malheur. Il lui fallut un bon quart d’heure pour s’en remettre. Son oreiller était trempé. Clementine enleva son drap, blanc comme un linceul, signe bien morbide, et se leva. Elle était vêtue d’un simple shorty noir et d’un débardeur blanc, ses cheveux étaient attaché en un chignon, et ses jambes habillées d’une paire de longues chaussettes montantes, rappelant celles de pom-pom à l’époque du lycée. En parlant de lycée, Clem repensa à la fac. Elle n’y était pas retournée depuis qu’elle avait réapparue. Elle ne voulait pas affronter le regard des autres élèves, et préférait donc étudier chez elle, seule. Elle n’était pas ressortie depuis son enlèvement, depuis son viol. Les seules personnes qu’elle avait revue depuis était Liam, Amelia et Andromaque. Elle ne supportait guère la présence de quelque un d’autre, même celle de ses propres parents. Elle n’avait pas parlé depuis des semaines, ou alors que brièvement. D’après le médecin, c’était une réaction courante post-accidentelle. Mais elle n’en inquiétait pas moins sa famille.
Aujourd’hui, elle avait décidé de se reprendre en main, de réapprendre à vivre. Clementine se dirigea alors vers son armoire, prit une marinière à manche trois-quarts, un jean cigarette et parti en direction de la salle de bain. Une fois à l’intérieur, elle prit une douche. L’eau coulait à flot sur sa peau de pêche, provoquant à certains endroit de sa peau une petite douleur. Endroits fragilisés par Theodore..

Désormais, Clementine baignait entièrement sous le soleil, parcourant à pied le court chemin qui séparait son appartement de celui d’Andromaque. Son visage était enfoui dans son écharpe, blanche comme neige. Elle ne voulait pas que les gens la reconnaissent, qu’ils fassent gaffe à elle. Elle ne supporterait pas le regard des autres. Une fois arrivée à l’appartement, elle frappa. Au bout de quelques secondes, une petite tête rousse ouvrit. D’une petite voix enrouée à cause du long temps de silence, Clementine demanda :


c l e m e n t i n e ▬ Salut.. Je ne te dérange pas?

Ezekiel ne sursauta pas lorsque, soudainement réveillée, Andromaque se redressa d'un coup, la respiration haletante. Le chien releva la tête et la regarda avec des yeux qui la faisaient presque culpabiliser de cauchemarder. Elle caressa la tête du chien, allongé à côté d'elle, comme toujours, malgré les remontrances peu convaincantes de la rouquine. Elle se leva péniblement, et regarda machinalement son réveil. 8h53. Timing parfait.
Comme de plus en plus souvent, elle avait rêvé de ce qui s'était passé. Pas besoin de préciser quand, ni où, tout le monde le savait - ou presque. Elle avait alors passé une main sur ses genoux, réflexe acquis au fil du temps pour s'assurer que tout n'était pas qu'un cauchemar. Elle ne ressentait plus vraiment de douleur aux jambes, sauf de temps en temps. Son genou droit était orné d'une cicatrice tortueuse, vestige de quelque chose de plus ou moins tranchant s'y étant enfoncé. Elle soupira et regarda son reflet dans le miroir. N'importe qui aurait vu qu'elle n'avait pas voyagé dans un pays merveilleux où régnaient joie et paix, cette nuit.
Elle avait eu droit à de nouveaux éléments. Apparemment, la tache noire qui se situait sur sa colonne vertébrale, en bas du dos, n'était pas un grain de beauté, mais un tatouage risible. Elle ne s'était jamais attardée dessus, évitant de regarder son corps de peur de craquer, mais maintenant qu'elle y réfléchissait, elle n'avait jamais repéré le moindre grain de beauté sur son dos. Elle fut prise de vertiges. Cette sensation la prenait de plus en plus souvent. Aussi souvent que de nouvelles informations assaillaient son âme, renforçant les échos de l'agression.
La jeune femme jeta un coup d'oeil vers le lit, où son chien demeurait, la tête posée sur ses pattes avec un air apitoyé. « Oh très bien sale goinfre. Allez, p'tit dej'. » Il était de plus en plus fréquent de la voir parler à son chien. La maison était tellement vide, sans Deb'. Cela faisait déjà plusieurs mois qu'elle vivait sans sa soeur, même si elle se rendait à l'hôpital chaque jour. Elle descendit les escaliers péniblement, manquant de se faire renverser par l'animal sauvage affamé qu'était Ezekiel. Comme tous les matins, elle partagea avec lui la moitié de son petit déjeuner. Comme tous les matins elle remonta dans sa chambre, choisit un pantalon et un T-shirt - au hasard, c'était ça qui rendait son style original - et, comme tous les matins, elle partit s'enfermer dans la salle de bain, pour une durée qui ne dépassait guère les vingt minutes.
N'ayant rien à faire - aujourd'hui, ni boulot, ni cours - elle se posa devant la télé, la tête de Zekiel posée sur les genoux, s'efforçant de ne pas penser au sentiment de solitude qui l'envahissait chaque jour un peu plus, et encore moins à la personne qui pourrait combler ce sentiment.
Cela faisait un moment qu'elle était plongée dans la contemplation moyennement admirative d'une compétition de tir à l'arc, lorsque de discrets coups furent portés sur sa porte. La jeune femme se redressa, à la fois soulagée d'avoir un peu de visite, et angoissée par la potentielle identité du visiteur. Elle ouvrit la porte avec curiosité, et constata avec stupéfaction que c'était Clementine qui lui rendait visite. « Salut.. Je ne te dérange pas? » La voix de la jeune fille était enrouée, comme si elle n'avait pas parlé depuis des lustres, ce qui pinça le coeur d'Andy. Elle s'empressa de dégager l'entrée, lui permettant de pénétrer dans son humble et vide demeure. Elle resta silencieuse un court instant, étonnée de la voir se tenir devant elle, puis se reprit et afficha un sourire chaleureux sur son visage habituellement dépité.« Non, bien sûr que tu ne me déranges pas ! Entre ! »
Elle la mena jusqu'au salon, où elles s'installèrent, laissant un long silence s'iimposer, pour être finalement brisé par Clem.

Lorsqu’Andy ouvrit sa porte d’entrée à Clémentine, un court silence s’installa. On voyait sur le visage de miss rouquine qu’elle était surprise de voir la brunette de sortie, et d’autant plus sur son pallier. Effectivement, cela faisait des jours et des jours qu’elle n’avait pas quitté son domicile. Plus exactement depuis qu’elle avait été victime des Magnificent Seven. Elle ne mangeait plus, ne parlait plus et c’était à peine si elle dormait. Elle restait terrée dans sa chambre à attendre que le temps passe et repasse et qu’il daigne pansé sa plaie encore à vif aujourd’hui. Mais ce matin, elle fut prise d’une envie folle, pour elle : aller rendre visite à celle qu’elle pensé être sa sœur. Elle avait, malgré ce qu’elle pourrait dire, besoin de parler. Et surtout, il fallait qu’elle lui annonce la nouvelle : elle était enceinte. Oui, belle et bien enceinte de Theodore, son violeur, celui qu’elle avait aimé et que maintenant elle détestait. Elle était encore sous le choc de la nouvelle, apprise la semaine passée, et savait qu’Andromaque pourrait lui donner des conseils. Ou pas.. Mais elle avait besoin de tout dire, de tout déballer et sa soit disant sœur était la personne la plus apte à l’écouter.

Dydy s’empressa alors de dégager son entrée quelque peu encombrée pour laisser Clementine entrer dans son humble logis. Certes, c’était peut-être petit et pas très meublés, mais miss Monaghan s’y sentait en sécurité malgré tout. Plus que chez elle, en tout cas. Quant elle se trouvait à son logis, elle voyait Theodrore partout malgré elle. Peut importe le moment de la journée, à quoi elle s’occupait, il était là. « Non, bien sûr que tu ne me déranges pas ! Entre ! » déclara Andy. Avec un léger sourire sur les lèvres, et tout en entrant chez Andromaque, Clementine la remercia. La rouquine la dirigea dans son salon et Clem put apercevoir le programme, très intéressant sans nul doute, que regarder Andromaque avant son arrivée. Elle n’avait jamais vraiment aimé le tir à l’arc.. Surtout depuis qu’elle s’était pris une flèche dans le dos alors qu’elle assisté à une compétition de ce « sport ». Depuis, c’était plus fort qu’elle, elle ne pouvait pas.

Clémentine s’assit alors dans le canapé, lissa les plus de sa veste sur ses genoux d’un air distrait, et dit à l’intention d’Andy : « Assis toi, et je t’en prie ne me juge pas.. J’ai quelque chose de très important à te dire.. ». Sans dire un mot, Carrot, comme elle se faisait souvent appeler, s’exécuta et s‘assit à côté de son amie. Clémentine prit une grande inspiration, réfléchis à la manière dont elle allait tourner sa phrase et déclara : « Andy.. Je.. Je suis enceinte.. ». Andromaque était la première personne à être au courant, et sera bien évidemment la seule avec Liam tant que Clémentine n'aura pas trouvé de solutions. Dès qu'elle eut prononcé ces mots, elle fondit en larmes. Des larmes presque inexistantes tellement elles avaient coulées ces derniers jours.

Clémentine savait parfaitement qu’Andromaque ne savait quoi répondre à la nouvelle. Elle ne put retenir ses larmes qui se faisaient de plus en plus pressantes, de plus en plus abondantes et bruyantes. Un sentiment de haine intense se dégagé lorsqu’elle pensait à Théodore et à ce qu’il lui avait fait. Il l’avait humilié, sali et l’avait fait tomber enceinte.. Cette dernière chose était la seule qui permettait à Monaghan de se persuader qu’elle n’avait pas inventer tout cette histoire. Cela lui avait semblait tellement irréel, impossible.. Et pourtant c’était arrivé. Elle se rappelait de tout, ou presque. Elle se souvenait qu’elle s’était réveillé dans un endroit lugubre, avec les MS autour d’elle. Certes, ils n’étaient pas tous là, mais elle put en reconnaître certain, comme Teddy, mais aussi Ulrich et Jackson Wayne. C’était ces trois là qui étaient le plus clairement affichés dans sa mémoire, qui était tout de même défaillante. Elle ne se souvenait pas, par exemple, du viol en lui-même. Juste de ce qui s’est passé avant. De Théodore qui jette sa cigarette par terre et qui écrase le mégot avec son pied, du moment ou tout à dérapé.

Elle n’en pouvait plus, elle craquait. Pour elle, c’était totalement incompréhensible ce qui lui était arrivé. Elle ne savait pas pourquoi le sort c’était abattu sur sa personne. Depuis que toute cette histoire avait commencé, avec Amélia, elle priait chaque soir pour ne pas que cela lui arrive, pour qu’elle puisse vivre une vie normale d’un bout à l’autre. Mais c’était râpé, comme des carottes. Elle y était passé elle aussi..
Désormais, sa tête était posée sur les genoux d’Andy, trempant ainsi le pantalon de celle qu’elle croyait être sa sœur. Cette dernière ne disait rien, et caressait machinalement les cheveux de Clémentine. C’est au bout de quelques minutes qu’elle recommença à parler « Ça va aller Clem, ça va aller. ». Les mots d’Andromaque avaient beau être réconfortants, ni l’une ni l’autre ni croyait. Non, ça n’aller pas aller. De plus, Clémentine essayer de trouver comment annoncer sa solution à Carrot. Là, c’était sûre, elle allait la juger.. Elle ne voulait pas passer pour une personne ignoble et sans cœur, mais c’était la seule chose, le seul moyen qu’elle avait trouvé pour arranger ça.. « Je.. Quelqu’un d’autre est au courant? ». Monaghan réfléchit quelques instants avant de répondre. Non seulement pour remettre ses idées en place, mais aussi pour calmer les larmes. Enfin, elle réussit à articuler : « Oui, Liam.. ». Elle se stoppa de parler de nouveau pour réfléchir à la façon dont elle aller annoncer à Andromaque qu’elle allait faire passer Ian pour le père du bébé. Il lui fallut environ six minutes pour trouver quelque chose qui ne fasse pas trop « choquant » ou encore mauvais genre. De nouveau, elle prit une grande inspiration et, sur le point de se remettre à pleurer, elle dit « J’ai peut-être trouvé une solution.. C’est horrible, mais je sais que c’est la meilleure.. Depuis que je suis enfant, je suis contre l’avortement, et je ne peux pas me résoudre à passer par là, alors.. » Elle reprit sa respiration avant de continuer « Alors je vais faire passer Ian pour le père. » Voyant qu’Andy s’apprêtais à dire quelque chose, elle s’empressa de rajouter : « Je sais qu’il m’aime encore, et moi aussi, je l’aime. Peut-être pas autant que lui, certes, mais je l’aime tout de même. Et puis.. J’ai déjà couché avec lui peu avant mon enlèvement, ce qui colle parfaitement.. Je me suis rendue compte à cet instant de mes sentiments à son égard.. ». Et là, elle fondit en larmes ne sachant que dire d’autre que : « Je ne me reconnais plus, Andy.. »